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Le jour où je ne suis pas morte !

 

–          Tout s’est bien passé me susurre-t-on dans l’oreille avec un joli accent italien.

Ah… je suis donc revenue vivante du bloc et en plus je n’ai plus mal, d’ailleurs c’est bien simple je ne sens rien du tout.

–          Nous avons évacué la plus grosse partie de l’hématome de votre ventre et réparé l’artère qui avait été très abîmée par l’hématome.

La première bonne nouvelle depuis 3 jours, tiens si je vomissais un ptit coup pour fêter ça ! Arghh je ne peux pas bouger, j’ai des tuyaux partout mais la voix a pitié, elle me tend un « haricot » en carton et en tournant la tête je parviens à cracher dedans… presque rien puisqu’en trois jours je n’ai absorbé qu’un yaourt et une compote, mais suffisamment pour réveiller les monstres qui se sont installés dans mon ventre, à chaque spasme vomitif ils s’agitent, se réveillent et se révoltent : ça fait un mal de chien.

Il faut que j’arrête de vomir mais ces cons sont en train de me rouler à contresens, ils n’ont toujours pas compris que j’avais le mal des transports et que la moindre des choses aurait été de me laisser la tête dans le sens de la « route ».

J’arrive dans la chambre, ouf on va arrêter de me bouger, Mr Poux est là, il me fait un sourire qui se veut rassurant, mais je remarque bien ses traits tirés, sa pâleur excessive, lui aussi a eu très peur alors je souris pour le rassurer, je ne le saurais qu’ensuite mais ça fait plus que 4h00 que je suis partie  au bloc. Mais, ça y est je suis revenue, je me suis bien concentrée quand on m’a endormie, bien appliquée, je me répétais sans cesse «  si jamais tu vois une lumière, ne vas pas vers elle, ne va pas vers la lumière, ne va pas vers la lumière »… Ce sont mes dernières pensées, je n’en pouvais plus de me sentir crever et d’imaginer mes monstroux grandir sans moi, est-ce que mon Poux s’en sortirai, est-ce que les enfants surmonteraient le traumatisme de perdre leur mère ? A un moment la douleur était devenue si forte, si insupportable que j’en avais conclu qu’il était peut-être mieux que je crève là tout de suite, sans me faire de mouron pour ceux qui restent, juste arrêter cette douleur mais c’était impossible de lâcher prise et de ne pas m’inquiéter.

J’avais épuisé les doses normales d’antalgique, je ne supportais pas la morphine, ils m’avaient donc laissée là, à attendre que le bloc se libère, vérifiant tout de même régulièrement, les sourcils froncés, l’air inquiet, que je tenais toujours le coup.

Et je tenais, me remplissant de mon propre sang, mon ventre gonflé à bloc, tendu au maximum, je m’accrochais ! Et en y réfléchissant maintenant c’est peut-être la douleur qui m’a soutenue , qui m’a empêchée  de me laisser aller, de partir doucement vers d’autres horizons, portée par les flots de mon propre sang…

Mais ça y est je suis revenue, je m’en suis sortie, je ne le sais pas encore mais vont commencer les jours les plus longs de ma vie, ce mercredi 3 Aout à 20H00 je renais mais à l’état de légume… Ce ne sera pas un état permanent bien sûr, mais à partir de cette heure là va commencer l’apprentissage de la dépendance, lorsqu’on ne peut rien faire par soi-même et que l’on est à la merci de la bonne volonté et de la bienveillance des autres.

Je suis tellement branchée de partout que je ne peux bouger que la tête et les bras et encore pas complètement sous peine d’arracher les perfusions. Les douleurs sont de retour mais ils ont trouvé la solution, je suis gavée d’anti-vomitifs pour que mon estomac accepte la morphine.

Et la morphine est devenue ma copine, depuis trois jours que je suis sur le dos il est en compote et me fait terriblement souffrir, mais impossible de me tourner sans me vriller le ventre et la cuisse desquels sortent un drain et deux redons. Les seuls moments ou je dors sont les quelques heures qui suivent l’administration de la morphine, ça me scotche et je ne sens plus rien, ni le dos, ni le ventre, ni la soif qui me taraude constamment.

Mais dans les coups durs il y a aussi de bonnes surprises, Mr poux a été très présent et attentionné, me donnant la becquée  lorsque je ne pouvais pas me redresser, m’humidifiant le visage lorsque j’avais des sueurs froides. Mes parents ont géré les monstroux d’une main de maître malgré la fatigue due au stress…
Et puis surtout il y a eu un formidable élan de solidarité de copines pourtant «  virtuelles » qui malgré l’absence de forfait ou de portable se sont relayées pour que chaque soir après le départ de Mr Poux et avant le début des longues et douloureuses nuits, je reçoive un ptit coup de fil.

Il y a eu aussi tous les sms reçus de « relations » qui auraient pu ne pas le faire et profiter de leurs vacances sans grever leur «  budget téléphone », ceux des amies que j’avais un peu perdu de vue.

A l’heure où j’écris je suis toujours un « légume » mais je suis portée par tou(te)s ces ami(e)s qui m’ont soutenue, et je sais maintenant que les vrai(e)s ami(e)s ne sont pas forcément ceux (celles) que l’on croit…

Le bonheur c’est simple comme un coup de fil…