Archives par mot-clé : couple

Se retrouver

Quatorze ans de mariage, un peu plus de vie commune, deux monstroux très très actifs, un boulot passionnant mais extrêmement prenant et à 70 km de la maison pour Mr Poux, les p’tites emmerdes du quotidien, la routine, la vie quoi …

Tout cela fait que la vie de couple disparaît peu à peu sous le flot des obligations, des contraintes même si pour la plupart nous les avons choisies.

Pour ne rien arranger, nous n’avons qu’une paire de Grands-Parents qui prennent les enfants, et généralement lorsqu’ils les prennent, soit Mr Poux est à l’autre bout du monde et j’en profite pour passer du temps à la maison à faire ce que je ne fais pas habituellement (oui, jeter certains joujoux en cachette en fait partie), soit Mr Poux est là et nous en profitons pour faire des travaux dans la maison.

Planifier une soirée romantique après avoir passé la journée à quatre pattes à poser du parquet est totalement vain, si on ne s’est pas engueulés comme des chiffonniers en bricolant, on est de toutes façons trop cassés le soir pour réviser le kamasutra.

Pour les quarante ans de Mr Poux, nous devions partir quelques jours tous les deux dans le jura, berceau de nos amours, mais nous n’avons jamais réussi à coordonner tous les emplois du temps ( enfants, grands-parents, boulots).

Du coup on vit, ou on survit côte à côte, parfois plutôt bien, parfois on se contente d’attendre la prochaine M… qui va nous tomber sur le coin de la figure (comme un Monstrou plâtré sur toute la jambe juste avant les vacances).

Et puis au mois de Mars dernier, Mr Poux a déclaré : « les enfants vont partir en colo au mois d’Août et nous, on ira quelque part tous les deux mais je ne te dis pas où ».

La seule chose que je savais c’est que nous allions prendre l’avion et pour tout vous dire, je n’étais pas super rassurée d’être loin alors que les enfants étaient en colo. Bien entendu Mamina et Papounet étaient là en cas de pépin, et puis les enfants sont plus grands, mais si vous suivez un peu ce blog, vous savez à quel point ils peuvent être créatifs dans les blessures diverses et bizarres.

Je n’ai su que fin Juin où  nous partions et je dois dire que le mot  » caraïbes » a eu son petit effet anxiolytique et a terminé de balayer mes doutes et remords sur le fait de laisser les enfants en colo pendant que nous prenions des vacances au soleil.

Le fameux voyage est enfin arrivé…

Nous avions oublié ce que c’est de ne gérer que soi pendant un voyage…

Je suis partie avec une valise « light » dépourvue de l’énorme trousse à pharmacie que je trimbale d’habitude.

Nous avions oublié ce que c’est que de se lever quand ON veut et non pas quand ces messieurs sont levés.

De se faire une sieste à n’importe quelle heure du jour, parce qu’on est en vacances et qu’on n’est pas stressés par le fait que si on s’absente l’un ou l’autre va se blesser ou cramer sur place sous le soleil de Sainte-Lucie. (A la place c’est moi qui ai cramé, comme une vraie débutante).

Nous avons eu des conversations entières sans interruption !

Pas de bagarre pour le brossage de dents, les douche, le démêlage… (J’avoue que Mr Poux est assez autonome pour cela, en plus il a quand même beaucoup moins de cheveux que grand Monstrou, ça aide pour le démêlage hum hum).

Nous étions ratatinés par le décalage horaire et partions nous coucher très tôt SANS avoir à batailler avec Grand Monstrou qui aurait surement voulu veiller plus tard, assister aux supers concerts qui avaient lieu tous les soirs dans l’hôtel.

Alors bien sûr, tous les soirs nous passions un certain temps à regarder les blogs des colos pour vérifier que tout allait bien pour les monstroux, bien sûr nous pensions régulièrement à eux, mais cette semaine à deux, en amoureux, nous a permis de nous retrouver, de nous souvenir pourquoi nous nous étions choisis et très certainement aussi de nous préparer à mieux affronter le retour au quotidien, à la course perpétuelle… à la vie quoi !

Alors je sais bien que ce n’est pas évident à réaliser (et je ne sais même pas quand nous pourrons le refaire) mais je crois sincèrement que pour être de bons parents, il faut pouvoir souffler de temps en temps et pour sauver son couple, il faut s’accorder du temps à deux, et pas à quatre, six, ou plus.

Pas besoin de partir aux Caraïbes, juste un petit week-end de temps en temps, une coupure…

Enfin je dis ça mais, Mon amour, si tu me lis, on y retourne quand tu veux !

img_3769

Résignée

illustration de Marlène : http://alotoftralala.over-blog.com/

Elle regardait par la fenêtre l’horizon presque aussi sombre que son avenir. Songeuse, elle comptait les buildings comme s’ils représentaient ses mauvais choix, ses erreurs, en attendant le retour de ses garçons.

Dix ans plus tôt, sans éclats, sans guerre, elle avait quitté leur père, non pas parce qu’ils ne s’entendaient plus, mais parce qu’ils étaient devenus deux bons amis en colocation. A l’époque elle était encore presque jeune et ne voulait pas renoncer à cet amour dont on lui avait rebattu les oreilles depuis son enfance.

Du jour au lendemain elle avait tout remis en question, leur complicité n’était  plus suffisante, et son quotidien de femme au  foyer lui était devenu insupportable. Pourtant, adolescente, elle s’était bien juré de ne jamais être «  femme au foyer », elle aurait une grande carrière, serait libérée, indépendante, très certainement une auteure célèbre…

En attendant d’être célèbre, elle gagnait sa vie en enseignant, et puis son premier fils était arrivé, si petit, si beau mais si fragile qu’il lui aurait été insupportable de le confier à quelqu’un d’autre. Ils en avaient discuté, ils avaient fait les comptes et décidé qu’elle resterait avec lui à la maison, au moins la première année, et puis ça n’était de toute façon pas «rentable » pour les quelques sous qu’elle ramènerait une fois la nounou et les impôts déduits.

Elle avait été si heureuse de pouponner, de s’occuper de son bébé (qui bien sûr était le plus beau, le plus intelligent et le plus éveillé des bébés), qu’elle en avait totalement oublié cette promesse qu’elle s’était faite. Elle était tellement épanouie dans son rôle de «Maman dévouée » que dans la foulée, ils avaient fait un second bébé. Que du bonheur ce bébé aussi, enfin du bonheur et beaucoup de couches, de vomis, de linge à trier, de menus équilibrés à préparer…

Finalement elle n’avait jamais repris le travail et malgré le travail acharné de son époux, son poste à « responsabilités », les fins de mois étaient difficiles, le budget serré. Oubliés les restos romantiques, les soirées ciné, les sorties au musée. Les expéditions ne concernaient plus que la halle aux chaussures parce que le petit dernier avait encore des baskets troués, ou l’hypermarché du coin pour remplir ce frigo dont elle ne supportait plus la vue.

Monsieur passait ses week-ends à travailler, toujours un peu plus, elle passait ses semaines à discipliner ses garçons, à faire « tourner la maison ». Les journées s’enchainaient, se  ressemblaient dans leur morosité : « ne pas oublier le rendez-vous du grand chez le dentiste », «  penser à faire livrer du bois »…

Alors seulement, elle s’était souvenue  que la vraie vie ce n’était pas ça, que la vie dont elle avait rêvée, si elle comportait effectivement une famille, ne consistait pas à s’oublier, à être seulement la «  maman de », la «  femme de »…

Un soir de décembre, elle avait dit «  STOP » : stop à cette vie de dévouement étouffant, stop à cette vie sans plaisir, sans saveur, sans passion. Elle avait annoncé à son époux qu’elle le quittait, qu’elle ne voulait plus être l’épouse de son meilleur ami mais d’un amant qui la séduirait, dans les yeux duquel elle lirait du désir et non pas une vieille tendresse rance et coutumière.

Bien évidement il l’avait très mal pris ! D’après lui, elle était surement malade, dépressive, pour ne pas supporter cette routine qui convient à tant de familles. Il lui avait rendu sa liberté en lui assurant qu’elle était trop exigeante, qu’elle ne trouverait jamais ce qu’elle cherchait.

Et finalement il avait surement raison, elle s’était installée dans un petit appartement avec les garçons et vivotait péniblement du fruit  de ses traductions. Elle avait bien vite compris que 10 ans « au foyer » c’est la mort du CV et que les employeurs, déjà réticents à engager une femme, multipliaient les excuses pour ne pas recruter une « mère célibataire »…

Les garçons avaient très mal vécu cet éclatement familial et lui faisaient payer maintenant. Chaque week-end chez leur père était «  génialissime » «  top cool », ils revenaient systématiquement avec de nouveaux jouets, gadgets électroniques. Ils étaient devenus des ados ingrats et machos qui ne comprenaient pas qu’elle exige qu’ils participent («  chez Papa on ne fait rien, et  y’a une femme de ménage »), qu’elle ne veuille pas leur offrir les dernières baskets à la mode ou encore qu’elle les « persécute » avec son obsession des économies d’énergie.

Elle n’avait même pas de quoi les emmener en vacances, mais peu importe, puisque leur père, lui, les emmenait au ski tous les hivers et au club Med chaque été.

Son regard perdu sur les immeubles, elle se demandait comment elle allait réussir à se payer une nouvelle voiture, puisque l’actuelle, récupérée après le divorce passait désormais plus de temps chez le garagiste que dans sa rue…

Et puis elle vit arriver son mari, bel homme à la chevelure maintenant plus salée que poivrée, plongé dans ses pensées, son attaché case à la main…

Elle avait eu raison de se taire dix ans plus tôt, certes ils vivaient comme deux bons amis et la routine n’était guère plus folichonne maintenant que les enfants avaient grandi, mais avec un peu de chance, elle irait se pavaner au club Med cet été…

* Ce texte est ma participation au 5ème jeu d’écriture organisé par Lizly à partir d’une illustration de Marlène

* toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé est bien évidemment purement fortuite… et regrettable 🙂