Les jolies colonies de vacances…

N’ayant aucun frère ni sœur, les grandes vacances étaient pour moi longues et ennuyeuses. A force de m’entendre me plaindre de l’ennui( oui je râlais déjà c’est une compétence qu’il faut pratiquer très tôt), mes parents ont décidé de m’envoyer en colonie de vacances.
Bien entendu j’étais contre, mais le moment venu, je suis partie ravie et tout s’est très bien passé, à l’exception du retour…
Après une nuit dans le train à faire le chahut avec les copains et copines, nous avions été dispatchés dans les différents bus qui devaient nous ramener aux points de rencontre avec nos parents. L’excitation était à son comble lorsque nous avons atteint la sortie d’autoroute de Saintes et nous avions le visage collé aux vitres pour apercevoir au plus vite les visages tant attendus de nos parents respectifs.
Impossible de repérer les miens dans la foule de parents impatients, et pour cause : ils n’étaient pas là !
Du haut de mes  7 ans, j’ai donc assisté aux embrassades émues de mes copines avec leurs parents ( qui EUX étaient venus), aux retrouvailles joyeuses des familles enfin réunies puis  aux départs  de chacun pour rejoindre leurs pénates. Je ne savais pas où regarder exactement pour voir arriver mes parents, mais je scrutais l’horizon dans l’espoir de voir enfin une voiture verte conduite par un grand barbu avec ma mère à sa droite et mon boxer à l’arrière.
Une fois tout le monde reparti, je suis restée seule sur le bord de l’aire d’autoroute, avec ma petite valise, mon sac à dos et une énorme boule dans la gorge. J’ai bien vu les regards gênés des  trois animateurs qui se concertaient en me regardant et de grosses larmes ont commencé à rouler sur mes joues.  Le pire dans tout cela, c’est qu’aucun d’eux ne me connaissait vraiment car pour les retours comme les départs, plusieurs centres de vacances étaient regroupés par destination et les accompagnateurs n’étaient pas forcément nos animateurs.
Une animatrice s’est approchée pour me consoler, en me disant qu’ils allaient appeler mes parents. Ce que je ne savais pas, c’est qu’en fait ils avaient tous envie de rentrer chez eux et étaient en train de négocier pour savoir qui resterait avec moi. Les trois semaines de colonie n’étaient pas des vacances pour eux, et ils n’avaient qu’une hâte c’était d’en finir.
Je continuais à pleurer car la seule explication que je trouvais pour justifier  l’absence de mes parents, c’est qu’ils étaient MORTS !  Je les imaginais écrabouillés sur le bord d’une route, pendant que ma chienne, seule à la maison, mourrait de faim et de soif et que moi je me retrouvais là, sur ce parking avant qu’on ne vienne m’emmener dans un orphelinat lugubre ( j’étais déjà très optimiste).
A l’époque il n’y avait pas de téléphone portable mais heureusement il y avait un poste de gendarmerie juste au niveau de cette sortie d’autoroute.  L’animatrice qui s’était portée volontaire pour rester avec moi (ou qui avait tiré la paille la plus courte) m’a accompagnée au poste pour téléphoner.
Elle a pensé me rassurer en me disant «  c’est bon, on a réussi à les joindre, ils arrivent », puis comme ils avaient tout de même 40 kilomètres à faire pour me rejoindre, elle m’a demandé  timidement si ça me «  dérangeait si elle partait ». J’étais trop effondrée pour répondre que je n’avais pas du tout envie de rester seule avec les deux gendarmes du poste, je l’ai laissée partir.  Mes larmes se sont taries bien que mon chagrin soit encore plus grand, mes parents n’étaient pas morts, ils m’avaient OUBLIEE !  Peut-être même qu’ils s’étaient sentis si bien sans moi pendant trois semaines qu’ils n’avaient pas eu envie de venir me chercher…
Malgré la fatigue et la peur, mon cerveau fonctionnait à toute vitesse et même si Papounet dit qu’il n’avait jamais fait le trajet entre notre maison et Saintes aussi vite, l’attente a duré une éternité !
Les deux gendarmes ne me parlaient pas, ils ne devaient pas savoir quoi me dire, mais peu m’importait, j’étais bien trop occupée à réfléchir à ce que j’allais faire de ces parents qui ne voulaient plus de moi.
Peut-être irai-je vivre chez ma Mamie, ou l’on peut manger du chocolat le soir au lit ?  Ou alors chez Mémé qui avait toujours quelque chose à me reprocher ? Non, si même mes parents ne voulaient plus de moi, ils avaient certainement convaincus mes grands-parents de me laisser tomber aussi.
J’allais être forte et me rendre seule à l’orphelinat lugubre que j’avais imaginé quelques instants auparavant. Peut-être que si je ne râlais plus, je serai adoptée qui sait …
Et puis la porte s’est ouverte, le parfum de Mamina à envahi l’entrée du poste de gendarmerie, je me suis jetée dans ses bras et j’ai tout oublié : l’orphelinat, l’abandon, les idées noires. J’aurai voulu rester là des heures, dans son giron à l’odeur si douce et si familière.
Pendant ce temps Papounet honteux bafouillait des explications sous le regard noir des deux gendarmes, sur la lettre de convocation pour le retour du centre de vacances, il était écrit 9h00 mais ils avaient compris 21H00… Ils m’attendaient avec impatience mais pensaient VRAIMENT que je n’arriverais que le soir.
Lorsque j’ai retrouvé les chatouillis de la barbe fournie de mon Papounet, après les câlins de Mamina, j’ai tout pardonné, tout oublié… J’allais rester avec eux (au moins le temps de leur apprendre à lire) !
Et puis ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Et bien là c’était de la formation accélérée… Ne cherchez plus comment je suis devenue aussi Peste… des épisodes comme celui-ci, croyez-moi ça forge le caractère !
Pendant des mois j’ai utilisé leur «  oubli » pour les faire chanter, les amadouer et obtenir un peu tout ce que je voulais sous le prétexte que j’étais «  traumatisée ».
Mais le vrai traumatisme c’est maintenant que je le vois, avec mes deux monstroux. Si jamais je risque de ne pas être à l’heure à la sortie des classes  je préviens plusieurs personnes, pour m’assurer qu’à aucun moment ils ne soient laissés seuls dans la classe à attendre comme moi, quelqu’un qui n’arrive pas.
Sur le formulaire d’inscription à l’école il fallait donner trois noms de personnes susceptibles de récupérer l’enfant en cas d’absence, j’en ai donné cinq pour chacun.
Je panique complètement si j’ai un peu de retard car je NE VEUX pas qu’ils soient les derniers sur le banc, parce que…même si je sais que c’était vraiment une erreur toute bête de mes parents, je sais aussi ce que ça fait de voir les copains repartir et de rester là, seule.
Mais à part ça tout va bien et j’adoooore coller la honte à Mamina et Papounet et raconter cette histoire !

10 réflexions sur « Les jolies colonies de vacances… »

  1. J'ai très bien compris ton angoisse car mon frère ainé François avais oublié de venir me chercher à l'école maternelle, j'avais 4 ans. Je dois dire qu'en attendant ma mère (qui est arrivée à toute vitesse sur son vélo), toute seule sur mon banc j'avais le cœur gros .
    Comme quoi certains événements peuvent se reproduirent.

  2. très très bon texte, j'ai ri bien sûr, mais j'ai eu aussi les larmes aux yeux…. tu te dévoiles Béa ! Comme quoi , nous les parents, on n'est jamais assez attentifs !

  3. Souvenirs souvenirs,
    Moi qui ai pour habitude de dire " 5 mn de honte, c'est vite passées", inutile de te dire que ce jour-ci j'avais opté pour le profil bas devant les réflexions désobligeantes, mais hélas justifiées, des gendarmes de l'autoroute. Heureusement qu'il y a 30 ans de cela, . Excès de vitesse supérieur à 40 km/h plus abandon d'enfant sur autoroute avec le sens de l'humour des représentants de l'ordre actuels, je serais en prison, et toi directement à la DDASS. Mais ce n'est pas une raison pour balancer aujourd'hui ma pestouille de fille!!!

  4. Moi aussi M Kine j'ai eu la larme à l'oeil,savez vous que Béa avant de partir en colo me demandais toujours un mouchoir avec un goutte de mon parfum

  5. @ Flo et M.Kine : Merci 🙂
    @ Papounet : il est toujours temps de balancer… tu veux qu'on parle du Poulpe ?
    @ Mamina : c'est rigolo, je ne m'en souvenais pas, par contre des années plus tard, lorsque nous devions être séparés longtemps avec Mr Poux je lui demandais un coton avec son après rasage…

  6. Maintenant je lui demande juste de ne pas laisser trainer ses chaussettes sales quand il part en déplacement… c'est moche la routine quand même mouahaha !

  7. C'est mignon cette histoire!! Et, si je décide d'envoyer mon fils en colonie l'été prochain, je m'engage formellement devant tous les lecteurs de ce blog de le récupérer à l'heure ET le bon jour !!!
    J'espère juste que le point de rendez-vous ne sera pas sur une aire d'autoroute, c'est un peu glauque quand même…

  8. de Jeannie :
    Quelle belle histoire… puisqu'elle se termine bien ! On ne s'imagine pas comme un acte manqué ou une phrase anodine (pour nous) peut être interprété différemment par un enfant… et le rendre inutilement malheureux. Comme quoi, il faut dialoguer…

  9. Bienvenue ici Jeannie 🙂

    Seriez-vous en train de sous-entendre qu'il s'agissait d'un acte manqué de mes parents ?
    Rooo je sens le traumatisme revenir là…

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