Je suis en train de lire un livre1 aussi sérieux qu’intéressant qui explique qu’il faut faire attention aux surnoms qu’on donne à nos enfants parce que ça leur colle à la peau façon pygmalion et qu’ensuite ils s’efforcent consciemment ou non de correspondre à ce surnom.
N’empêche que j’ai parfois l’impression de vivre dans une mauvaise série télé ( pléonasme ?) qui s’intitulerait : « ma vie avec la Purge et la Brute » ( La brute sera abordée dans un prochain billet).
J’aime mes enfants plus que tout au monde, mais parfois, dès le matin je SAIS que la journée va être longue, que je vais finir épuisée psychologiquement, rêvant toute éveillée qu’il y ait école TOUS les jours !
Ca commence dès le petit déjeuner, Petit Monstrou nous hurle dessus au bord des larmes que « de toute façon la confiture elle est dégoutante et qu’il n’en mangera plus jamais ». Hier, elle était parfaite la confiture, c’est juste le premier signe d’une journée difficile…
A partir de là je SAIS qu’il ne mangera rien de son petit déjeuner quelles que soient mes menaces, mon chantage, ma grosse voix etc. Je sais aussi qu’il ne faudrait pas faire la guerre des repas mais cette scène je l’ai vécue si souvent, et j’ai jeté tant de fruits frais et de tartines entières ( que je ne peux pas manger => gluten) que j’espère toujours trouver LE moyen ( autre qu’un entonnoir) de lui faire absorber quelque chose.
Pourtant, dans les bons jours, Petit Monstrou allias la Purge, est un véritable ogre au petit déjeuner, c’est même son meilleur repas les autres étant quasi exclusivement réservés à ses représentations théatrales (comprendre qu’il cause, invente des histoires abracadabrantes mais ne mange pas => spirited child).
J’avoue que je lâche plus facilement prise les jours d’école, parce qu’il faut de toute façon être prêts à temps, et parce que s’il a faim dans la matinée, ce sera SON problème et pas le mien ! Mais en cette période de vacances scolaires, ça va devenir MON problème.
Lasse d’argumenter, de négocier, de menacer, dorénavant je retire l’assiette en annonçant fermement « et bien tu n’auras rien avant l’heure du déjeuner ». Mais je SAIS que dès 10h00 du mat, il va commencer à me suivre partout telle une sangsue pour me réclamer quelque chose à manger. Je sais que je vais dire non et qu’il va pleurer trépigner, hurler, tenter de m’amadouer à coup de « Maman t’es belle », à coups de câlins… Je sais que cette journée dans son intégralité sera placée sous le signe de la guerre psychologique ! Je suis fatiguée d’avance ! Je rêve d’un bureau ou aller me planquer, d’un pensionnat qui accepterais les élèves de moyenne section…
Voici quelques exemples de moments difficiles pour lui et moi et le reste de la famille :
Dialogue dans la chambre :
« Mais pourquoi c’est toujours moi qui dois m’habiller »
« heu tu as 5 ans là mon chéri…tu sais faire, tu le fais »
« je n’ai pas 5 ans j’ai 4 ans et demi »… ( et là ça me tente souvent de régresser et de lui sortir un truc du genre « et gna gna gna »).
Je gagne cette bataille là, il s’habillera tout seul mais j’aurais le temps de récurer une pièce entière, de jouer avec Grand Monstrou, de reboire un demi-litre de café… En clair, faut pas être pressé mais on y arrive !
Dialogue dans l’entrée
« Si je mets mes chaussures c’est toi qui ferme les scratchs »
« non, attends, les scratchs c’est quand même pas compliqué »
« alors je mets une chaussure et tu mets l’autre »
(déjà excédée alors qu’il n’est même pas 9h30 je prends ma grosse voix et je crie)
« tu mets tes chaussures TOUT DE SUITE où je te sors en chaussettes »
Sanglots, indignation et bien sûr… argumentation en hoquetant ( cet enfant est sensible ne l’oublions pas) : « bouhouhou mais si je sors en chaussettes je vais être malade, j’aurais la toux, un gros rhume et même plein de fièvre et toi tu seras triste parce que ça sera de TA faute … ».
Là je ne réponds même pas que ce sera SA faute, à défaut de rédiger une annonce sur Ebay pour le revendre, je désamorce la bombe et j’accepte de lui mettre une chaussure s’il met l’autre.
La Purge 1 Maman : 0 ! Je suis une mauvaise mère c’est officiel !
Je vous vois arriver avec vos gros sabots, mais pourquoi tu ne l’as pas sorti en chaussettes comme promis ?
Je l’ai déjà fait, il a tant hurlé que deux de mes voisins sont sortis pour me demander si tout allait bien, il a effectivement eu les pieds froids et mouillés, et s’il a mis ses baskets NORMALEMENT sans râler deux jours de suite après ça, ça ne vaut pas la semaine qu’il a passé à la maison parce qu’il était malade. (Coïncidence ou cet enfant est-il capable de tomber malade sur commande ?)
Et puis, là ça fait 20 minutes que Grand Monstrou cuit dans son blouson, sous son bonnet et son écharpe parce que LUI s’est préparé quand je l’ai demandé, et c’est lui qui va finir par prendre un chaud et froid si on ne sort pas.
Et puis, je suis FAIBLE ! Je sais qu’à la première tentative de négociation je devrais le mettre dehors pieds nus, jusqu’à ce qu’il admette qu’à 5 ans on met ses chaussures tout seul, sans y passer 20 minutes, sans passer par la case « je casse les oreilles ( et les pieds) de tout le monde ».
Mais comprenez-moi, quand Petit Monstrou est en mode purge, TOUT est dramatique, TOUT est source de conflit/problème et quand je parlais de guerre psychologique c’est exactement de cela qu’il s’agit, une guerre d’usure, sans pitié aucune, une lutte de chaque instant…
Du coup, pas la peine de me jeter la pierre dans les commentaires, je le fais très bien toute seule car bien souvent je me demande si je n’aurais pas mieux fait d’avoir des poissons rouges plutôt que des enfants… ( bon vu que je fais crever tous les poissons rouges en un temps record, ce n’est peut-être pas une bonne idée).
Alors, là je rentre d’une semaine de vacances SANS monstroux donc je suis regonflée à bloc, j’ai refait un stock de bouquin d’éducation, de discipline positive, ça file droit à la casa… Mais que se passera-t-il quand je commencerai à fatiguer ? à oublier mes bonnes résolutions ? A réagir avec plus de colère que de fermeté ?
Et bien nous reviendrons au terrible constat qu’une femme de 38 ans, relativement éduquée, soit disant capable d’élever des enfants, ex-enseignante (en plus !) se fait bouffer par un p’tit bonhomme de 5 ans.
Et voilà, dit comme ça, ça fait pas envie hein ?
Je comprends que certains parents jettent l’éponge et se retrouvent à vie, coincés avec de petits tyrans… Je SAIS qu’à chaque fois que je perds une bataille on s’en rapproche un peu plus et je tremble en me disant que si je ne redresse pas la barre maintenant lorsqu’il sera adolescent ma vie sera un enfer…
Alors, est-ce que c’est juste moi qui suis mauvaise ou est-ce que parfois c’est dur aussi pour vous ?
Est-ce que vous avez aussi un « spirited child » à la maison ?
Comment vous faites pour vous en sortir ?
Et question subsidiaire pour les mamans qui ne manqueront pas de me dire qu’elles s’en sortent très bien ELLES :
Vous faites quoi à Pâques ? ça vous dirait 15 jours de pur bonheur avec la Purge ?
1 « raising your spirited child » de Mary Sheedy Kurcinka …. Spirited dans le sens « plus », plus demandeur, plus « difficile », constamment en train de nous mettre à l’épreuve, d’argumenter etc .